Roger FONS nous a quittés soudainement le 3 janvier dernier, plongeant ses nombreux amis et collègues dans la tristesse. Dès son plus jeune âge, il fut passionné par la faune des alentours de Cerbère. Insectes, vertébrés, tout était sujet d’émerveillement pour lui. Cette passion ne devait plus le quitter et il trouva sa voie dans l’étude des animaux.
Recruté en 1963 au Laboratoire Arago comme agent de service de l’Université pour intégrer l’équipe d’écologie terrestre, il devenait biologiste adjoint au CNRS en 1964, attaché de recherche, après avoir soutenu une brillante thèse sur la Pachyure étrusque en 1975 et Chargé de Recherche en 1980. La même année, il recevait la médaille de bronze du CNRS. A son départ à la retraite, en 2008, il était Directeur de Recherche. Cette belle carrière, bien méritée, il la doit à son acharnement au travail, à sa capacité à résoudre les problèmes techniques et à la passion qui l’animait.
Roger a poursuivi l’étude de ce minuscule mammifère, dont l’adulte ne pèse que 2gr., et les jeunes, de la taille d’un demi-grain de café, tètent leur mère comme tout mammifère qui se respecte. Tous les aspects de la physiologie qu’il n’avait pas pu inclure dans sa thèse ont été réalisés en collaborations avec des collègues. On a appris que son métabolisme de base était le plus élevé des mammifères terrestres (le plus bas est celui de l’éléphant) que son cœur battait à 1000 coups à la minute et d’autres nombreux caractères qui font de cette espèce un modèle biologique exceptionnel. Roger a élargi considérablement son domaine de recherche à l’ensemble des Micromammifères, les plus nombreux et les plus diversifiés des mammifères. Leur étude dans les iles méditerranéennes a permis à Roger de s’attaquer aux phénomènes d’insularité (spéciation, adaptation, modification de niches écologiques) Les rats corses qui se révélèrent être hôtes de la Grande Douve du foie et susceptibles de transmettre la maladie à l’homme, lui ouvrirent aussi une nouvelle voie, celle de l’écologie parasitaire en collaboration avec des équipes de Perpignan, de Barcelone, de Valence de Malaga entre autres. Il n’est pas possible d’approfondir, dans le cadre de cet hommage, l’ensemble des résultats et avancées décisives.
Dans l’équipe d’écologie terrestre, chacun travaillait personnellement dans sa spécialité, mais les travaux collectifs n’étaient pas oubliés pour autant. Pendant plusieurs années, un programme de recherche sur l’impact des incendies sur les écosystèmes méditerranéens a été mené par Roger Fons, Roger Prodon et Françoise Binche, malheureusement disparue récemment elle aussi.
L’originalité de cette étude tenait à ce que chacun des spécialistes (Roger Fons pour les micromammifères, Roger Prodon pour les oiseaux et Françoise Binche pour les microarthropodes des sols) apportait des résultats sur les différentes strates de l’écosystème (arbres et taillis avec les oiseaux, pelouses et maquis bas pour les micromammifères, sol pour les microarthropodes). L’action du feu était étudiée sur la forêt, de chêne- liège de Chêne vert, le maquis haut, mais aussi sur les maquis bas et les pelouses. De plus, l ‘étude sur des feux dirigés en forêt, pour les élevages de Montagne, permettaient de connaitre le peuplement avant le passage du feu. Ces travaux avaient donné lieu à des colloques dont plusieurs à Banyuls avec des chercheurs, venus d’autres régions méditerranéennes (Afrique du Sud, Australie , Chili et Californie).
Les exemples que je viens d’évoquer montrent que Roger était un chercheur connu et respecté par ses pairs et qu’il avait le don pour nouer des collaborations enrichissantes. Sa liste de titres et travaux comprend plusieurs centaines de publications dont beaucoup de haut niveau. Ses contributions dans les domaines qu’il a abordés lui confèrent une renommée internationale
Dès son recrutement, sa première sortie fut pour la Massane et c’est avec enthousiasme qu’il participa à la connaissance de la Forêt. A la création de la réserve nationale, nos travaux furent présentés sous la forme de « travaux de la Réserve ». Le n° 2, de 1978 est celui d’une de ses élèves actuellement responsable de l’international au ministère de l’Environnement. Il serait trop long de citer toutes ses interventions dans les Réserves naturelles ou d’autres espaces protégés, en France et à l’étranger. Dans les P-O, il a réalisé de nombreux inventaires et travaillé en particulier sur le Desman des Pyrénées, insectivore emblématique de nos cours d’eau. Secrétaire de l’Association des Amis de la Massane, gestionnaire de la Réserve, il accepta malgré ses nombreuses occupations de me remplacer au sein de la Fédération des Réserves Naturelles Catalanes dont il devint le Président. Tous, gestionnaires et personnels s’accordent pour saluer la qualité de son action pour la défense des personnels et des budgets auprès de l’État, de la Région et du Département. Il a démontré ses qualités de négociateur et sa recherche permanente du consensus.
Roger était aussi le Vice- Président du Comité de Conservation de la Nature des P-O (CCN-PO) dont la protection et la conservation des espaces naturels, de la faune et de la flore sont un des objectifs prioritaires. Quoi de plus normal qu’un écologue dont une grande part de l’activité se passe au contact de la nature, à essayer de comprendre la structure et le fonctionnement des écosystèmes, à découvrir ses secrets, à aller au plus profond de la connaissance d’un animal ou d’une plante, se batte pour protéger ce patrimoine fragile et irremplaçable ? La transmission des connaissances auprès d’un public aussi large que possible et surtout auprès des enfants est essentielle pour les inciter à aimer et protéger ces richesses naturelles. Roger était toujours disponible et prenait du plaisir à émerveiller les enfants des écoles du département et bien entendu de Banyuls et de Cerbère avec sa minuscule actrice qu’il faisait courir sur ses doigts et ses mains.
D’une humeur constante, toujours souriant, Roger avait une activité débordante. Quelques jours avant son décès il faisait partie d’un jury de thèse aux iles Canaries. Sa passion pour son travail l’aidait à surmonter les coups portés par la vie. La disparition de sa fille Anaïs, il y a quelques années a été un malheur dont il ne s’est jamais vraiment remis, et les décès récents de son épouse Francine et de son frère Georges qui le soutenaient, ont encore aggravé son chagrin. L’évasion, il la trouvait dans son travail, le bonheur, il le trouvait auprès de Thierry son fils, de son épouse et de ses petites enfants. Nous partageons la peine de Thierry et de sa famille et n’oublierons pas notre ami Roger.
Joseph Travé
Télécharger l’article de Joseph Travé “l’Indépendant 14 janvier 2016 page 14”
Quelques travaux de Roger Fons :
T22 – Contribution a la connaissance des Helminthes parasites de micromammifères
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